Rechercher dans ce blog

samedi 5 avril 2014

2O ans après le génocide rwandais : quid du TPIR ?

Mis en place par la Résolution 955, adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 8 novembre 1994, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) est un tribunal ad hoc qui a pour mandat de juger les responsables du crime de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis sur le territoire du Rwanda, ou par des Rwandais sur le territoire de pays voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.

À ce jour, le TPIR s’est prononcé dans 65 affaires : 57 personnes ont été condamnées et 8 personnes ont été acquittées. Toutes les affaires en première instance ont abouti et il ne reste au tribunal qu’à trancher les appels dans 10affaires toujours en cours. Le Tribunal a pour objectif de juger les plus hauts responsables, incitant les tribunaux nationaux à poursuivre les responsables présents sur leur territoire. Le TPIR a renvoyé 2 accusés devant les juridictions françaises et 2 accusés devant les juridictions rwandaises.

Le TPIR a été créé avec une durée de vie limitée, qui a été étendue à plusieurs reprises. La « stratégie d’achèvement des travaux » du TPIR prévoit une fin des procédures d’appel et un arrêt de l’activité du tribunal pour fin 2014, à l’exception de l’affaire Butare, qui devrait se terminer en 2015.

Toutefois, le TPIR ne va pas cesser toute activité. Il est prévu notamment que le Bureau du Procureur assiste les États concernés dans l’appréhension des suspects et dans leur traduction devant la justice nationale. En 2010, un mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (« le mécanisme »), composé de 2 divisions, a été créé par le Conseil de sécurité des Nations unies. Parmi les 9 personnes recherchées par le TPIR et toujours en fuite à ce jour, le mécanisme devra en juger 3, les 6 autres devant être renvoyées vers la justice rwandaise.



Pour la FIDH, les enjeux de cette stratégie d’achèvement reposent essentiellement sur l’importance de ne pas laisser les derniers fugitifs échapper à la justice, sur la protection des témoins, sur l’accès et la protection des archives, sur la sécurité des procédures et enfin sur la place des victimes dans cette stratégie d’achèvement.



La FIDH a publié en 2004 un rapport sur le rôle et la place des victimes devant le TPIR intitulé « Entre illusions et désillusions » et en 2009 sur les enjeux de la fermeture des Tribunaux pénaux pour l’Ex-Yougoslavie et pour le Rwanda.



Le TPIR a été parfois décrié, notamment au début de son mandat, en raison de la complexité de ses procédures, de manipulations de certains témoins par les parties, et surtout pour ne pas avoir jugé les auteurs des crimes commis par le Front patriotique rwandais (FPR) .

Toutefois, le TPIR constitue un effort important de justice d’une communauté internationale qui avait failli dans sa mobilisation pour empêcher le génocide. Les génocidaires condamnés par le TPIR purgent leurs peines de prison dans différents pays qui ont accepté de les recevoir.



Parallèlement aux procédures ouvertes devant le TPIR ainsi que devant les tribunaux et les gacaca (les tribunaux populaires) au Rwanda, la compétence extraterritoriale est un mécanisme qui a permis de lutter contre l’impunité des auteurs des crimes de droit international commis au Rwanda qui avaient trouvé refuge à l’étranger.



Conformément à la résolution du Conseil de sécurité créant le TPIR, les Etats membres des Nations unies se sont en effet vus doter d’une compétence pour poursuivre les auteurs de ces crimes devant leurs propres juridictions. Dans ce cadre, un État doit, à défaut d’extrader vers le Rwanda, poursuivre et juger tout individu se trouvant sur son territoire pour les crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre perpétrés au Rwanda.



Outre sa légitimité due à la nature des crimes, ce mécanisme est d’autant plus nécessaire que de nombreux suspects du génocide rwandais ont pendant longtemps trouvé refuge dans de nombreux pays étrangers.

Plusieurs États ont déjà eu recours à ce mécanisme pour enquêter et poursuivre des présumés génocidaires se trouvant sur leur territoire. Parmi eux, en Europe, l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse, de même que le Canada et les Etats-Unis ont initié des procédures en compétence extra-territoriale à l’encontre de personnes accusées de crimes internationaux commis au Rwanda en 1994 et prononcé 16 condamnations.



Retour sur le génocide rwandais



Du 7 avril au mois de juillet 1994, entre 500.000 et 1 million d’hommes, de femmes et d’enfants rwandais furent massacrés lors du génocide.

A l’origine, Tutsi et Hutu ne sont que des groupes sociaux différents d’un seul et même peuple. Ce sont les puissances colonisatrices allemande puis belge qui en font administrativement deux groupes ethniques distincts, privilégiant les Tutsi, pour en faire leurs administrateurs coloniaux jusqu’à la révolte nationaliste

Hutu de 1959, puis en 1961 l’indépendance et l’instauration de la première République dominée par les partis Hutu.

De 1959 à 1973, le Rwanda est le théâtre de régulières flambées de violences pour le contrôle du pouvoir entre une opposition largement Tutsi, et le pouvoir presque exclusivement Hutu qui se traduit par des massacres de plusieurs milliers de Tutsi notamment en 1959, décembre 1963 et en 1973. Exploitant ces événements, Juvénal Habyarimana, d’origine Hutu, prend le pouvoir en juillet 1973, et instaure le parti unique du Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND), tandis que des exilés Tutsi s’organisent en Ouganda et créent le Front patriotique rwandais (FPR) en 1987.

Le 1er octobre 1990, venant de l’Ouganda, une première attaque lancée par le FPR sur le territoire rwandais entraîne la radicalisation du pouvoir MRND et le début de l’engrenage génocidaire. En 1991 est créé l’Akazu - « petite maison » en kinyarwanda - un groupe composé de dirigeants civils et militaires issus du premier cercle du président Habyarimana, qui pense et organise l’assujettissement des structures de l’État à la doctrine du « Pouvoir Hutu » et les ressorts du génocide.

Dès lors, la population va être recensée de façon à mettre en évidence l’appartenance ethnique Tutsi ou Hutu, ce qui inclut notamment l’instauration de cartes d’identité mentionnant l’appartenance au groupe ethnique.

Les tensions s’accentuent fin 1992 en raison de l’influence grandissante du FPR. Pour y faire face, le Président Juvénal Habyarimana renforce la division entre Hutu et Tutsi grâce à une propagande virulente, et la création des médias de la haine tels que la Radio-télévision des Mille Collines et son équivalent écrit, Kangura. Cependant, entre juin 1992 et août 1993, des accords sont signés à Arusha entre le président Juvénal Habyarimana et le FPR.



En même temps, l’entourage d’Habyarimana organise, autour des milices Interahamwe (« ceux qui combattent ensemble » en kinyarwanda) et des structures de l’État, la logistique en vue d’attaquer et d’exterminer la minorité. Avisé des préparatifs, le FPR recrute de nouveaux partisans et combattants.



Le soir du 6 avril 1994, le Président Juvénal Habyarimana est victime d’un attentat alors qu’il rentrait en avion d’une conférence de paix qui s’était tenue en Tanzanie.



Le FPR est accusé par le pouvoir d’être responsable de cet attentat, ce qui sert de prétexte à l’extermination des Tutsi. Dans les heures qui suivent, les soldats et miliciens se mettent à massacrer systématiquement les Tutsi.



Le gouvernement intérimaire mis en place immédiatement après l’assassinat d’Habyarimana est dirigé par l’ex-premier ministre Jean Kambanda, mais selon le procureur du TPIR et de nombreux observateurs, le véritable détenteur du pouvoir et le « cerveau » du génocide, serait le colonel Théoneste Bagosora, (condamné à la prison à vie en 2008 par le TPIR).



Une fois le soutien de la majorité des commandants de l’armée obtenu, la campagne de recrutement et de massacres s’intensifie.



Face à l’absence de réaction de la part de la communauté internationale et l’impuissance des casques bleus de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR) sur place, les massacres se déroulent sans réelle opposition.



Dans les premiers jours suivant l’attentat, les Tutsi sont systématiquement pourchassés et tués dans leurs habitations ; aux barrages où les cartes d’identité sont contrôlées, les Tutsi sont systématiquement exécutés.



Courant juin, le gouvernement intérimaire est affaibli par les victoires militaires du FPR et la campagne menée contre les Tutsi perd de son intensité à mesure que s’organise la fuite des responsables du génocide, notamment vers la France.



Le 4 juillet 1994, le FPR prend la capitale Kigali et pourchasse les génocidaires et les populations Hutu qui les suivent dans leur fuite vers l’est du Zaïre (actuelle RDC) non sans la commission de violations graves des droits humains et du droit international humanitaire qui font plusieurs milliers de victimes.

Le contrôle total du Rwanda par le FPR au courant de l’été 1994 met fin au génocide.



Godé Kalonji





                                    


Aucun commentaire: