Mis en place par la Résolution 955, adoptée par le Conseil de sécurité
des Nations unies le 8 novembre 1994, le Tribunal pénal international pour le
Rwanda (TPIR) est un tribunal ad hoc qui a pour mandat de juger les
responsables du crime de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de
guerre commis sur le territoire du Rwanda, ou par des Rwandais sur le
territoire de pays voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.
À ce jour, le TPIR s’est prononcé dans 65 affaires : 57 personnes
ont été condamnées et 8 personnes ont été acquittées. Toutes les
affaires en première instance ont abouti et il ne reste au tribunal qu’à
trancher les appels dans 10affaires toujours en cours. Le Tribunal a pour
objectif de juger les plus hauts responsables, incitant les tribunaux nationaux
à poursuivre les responsables présents sur leur territoire. Le TPIR a
renvoyé 2 accusés devant les juridictions françaises et 2 accusés
devant les juridictions rwandaises.
Le TPIR a été créé avec une durée de vie limitée, qui a été étendue à
plusieurs reprises. La « stratégie d’achèvement des travaux » du TPIR prévoit
une fin des procédures d’appel et un arrêt de l’activité du tribunal pour fin
2014, à l’exception de l’affaire Butare, qui devrait se terminer en
2015.
Toutefois, le TPIR ne va pas cesser toute activité. Il est prévu
notamment que le Bureau du Procureur assiste les États concernés dans
l’appréhension des suspects et dans leur traduction devant la justice
nationale. En 2010, un mécanisme international appelé à exercer les fonctions
résiduelles des Tribunaux pénaux (« le mécanisme »), composé de 2 divisions, a
été créé par le Conseil de sécurité des Nations unies. Parmi les 9 personnes
recherchées par le TPIR et toujours en fuite à ce jour, le mécanisme devra en
juger 3, les 6 autres devant être renvoyées vers la justice rwandaise.
Pour la FIDH, les enjeux de cette stratégie d’achèvement reposent
essentiellement sur l’importance de ne pas laisser les derniers fugitifs
échapper à la justice, sur la protection des témoins, sur l’accès et la
protection des archives, sur la sécurité des procédures et enfin sur la place
des victimes dans cette stratégie d’achèvement.
La FIDH a publié en 2004 un rapport sur le rôle et la place des victimes
devant le TPIR intitulé « Entre illusions et désillusions » et en 2009 sur les
enjeux de la fermeture des Tribunaux pénaux pour l’Ex-Yougoslavie et pour le
Rwanda.
Le TPIR a été parfois décrié, notamment au début de son mandat, en
raison de la complexité de ses procédures, de manipulations de certains témoins
par les parties, et surtout pour ne pas avoir jugé les auteurs des crimes
commis par le Front patriotique rwandais (FPR) .
Toutefois, le TPIR constitue un effort important de justice d’une
communauté internationale qui avait failli dans sa mobilisation pour empêcher
le génocide. Les génocidaires condamnés par le TPIR purgent leurs peines de
prison dans différents pays qui ont accepté de les recevoir.
Parallèlement aux procédures
ouvertes devant le TPIR ainsi que devant les tribunaux et les gacaca (les
tribunaux populaires) au Rwanda, la compétence extraterritoriale est un
mécanisme qui a permis de lutter contre l’impunité des auteurs des crimes de
droit international commis au Rwanda qui avaient trouvé refuge à l’étranger.
Conformément à la résolution
du Conseil de sécurité créant le TPIR, les Etats membres des Nations unies se
sont en effet vus doter d’une compétence pour poursuivre les auteurs de ces
crimes devant leurs propres juridictions. Dans ce cadre, un État doit, à défaut
d’extrader vers le Rwanda, poursuivre et juger tout individu se trouvant sur
son territoire pour les crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes
de guerre perpétrés au Rwanda.
Outre sa légitimité due à la
nature des crimes, ce mécanisme est d’autant plus nécessaire que de nombreux
suspects du génocide rwandais ont pendant longtemps trouvé refuge dans de
nombreux pays étrangers.
Plusieurs États ont déjà eu
recours à ce mécanisme pour enquêter et poursuivre des présumés génocidaires se
trouvant sur leur territoire. Parmi eux, en Europe, l’Allemagne, la Belgique,
le Danemark, la Finlande, la France, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni,
la Suède, la Suisse, de même que le Canada et les Etats-Unis ont initié des
procédures en compétence extra-territoriale à l’encontre de personnes accusées
de crimes internationaux commis au Rwanda en 1994 et prononcé 16 condamnations.
Retour sur le génocide
rwandais
Du 7 avril au mois de
juillet 1994, entre 500.000 et 1 million d’hommes, de femmes et d’enfants
rwandais furent massacrés lors du génocide.
A l’origine, Tutsi et Hutu
ne sont que des groupes sociaux différents d’un seul et même peuple. Ce sont
les puissances colonisatrices allemande puis belge qui en font
administrativement deux groupes ethniques distincts, privilégiant les Tutsi,
pour en faire leurs administrateurs coloniaux jusqu’à la révolte nationaliste
Hutu de 1959, puis en 1961
l’indépendance et l’instauration de la première République dominée par les
partis Hutu.
De 1959 à 1973, le Rwanda
est le théâtre de régulières flambées de violences pour le contrôle du pouvoir
entre une opposition largement Tutsi, et le pouvoir presque exclusivement Hutu qui
se traduit par des massacres de plusieurs milliers de Tutsi notamment en 1959,
décembre 1963 et en 1973. Exploitant ces événements, Juvénal Habyarimana,
d’origine Hutu, prend le pouvoir en juillet 1973, et instaure le parti unique
du Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND), tandis que
des exilés Tutsi s’organisent en Ouganda et créent le Front patriotique
rwandais (FPR) en 1987.
Le 1er octobre 1990, venant
de l’Ouganda, une première attaque lancée par le FPR sur le territoire rwandais
entraîne la radicalisation du pouvoir MRND et le début de l’engrenage génocidaire.
En 1991 est créé l’Akazu - « petite maison » en kinyarwanda - un groupe composé
de dirigeants civils et militaires issus du premier cercle du président
Habyarimana, qui pense et organise l’assujettissement des structures de l’État à
la doctrine du « Pouvoir Hutu » et les ressorts du génocide.
Dès lors, la population va
être recensée de façon à mettre en évidence l’appartenance ethnique Tutsi ou
Hutu, ce qui inclut notamment l’instauration de cartes d’identité mentionnant l’appartenance
au groupe ethnique.
Les tensions s’accentuent
fin 1992 en raison de l’influence grandissante du FPR. Pour y faire face, le
Président Juvénal Habyarimana renforce la division entre Hutu et Tutsi grâce à
une propagande virulente, et la création des médias de la haine tels que la
Radio-télévision des Mille Collines et son équivalent écrit, Kangura.
Cependant, entre juin 1992 et août 1993, des accords sont signés à Arusha entre
le président Juvénal Habyarimana et le FPR.
En même temps, l’entourage
d’Habyarimana organise, autour des milices Interahamwe (« ceux qui combattent
ensemble » en kinyarwanda) et des structures de l’État, la logistique en vue d’attaquer
et d’exterminer la minorité. Avisé des préparatifs, le FPR recrute de nouveaux
partisans et combattants.
Le soir du 6 avril 1994, le
Président Juvénal Habyarimana est victime d’un attentat alors qu’il rentrait en
avion d’une conférence de paix qui s’était tenue en Tanzanie.
Le FPR est accusé par le pouvoir
d’être responsable de cet attentat, ce qui sert de prétexte à l’extermination
des Tutsi. Dans les heures qui suivent, les soldats et miliciens se mettent à
massacrer systématiquement les Tutsi.
Le gouvernement intérimaire
mis en place immédiatement après l’assassinat d’Habyarimana est dirigé par
l’ex-premier ministre Jean Kambanda, mais selon le procureur du TPIR et de nombreux
observateurs, le véritable détenteur du pouvoir et le « cerveau » du génocide,
serait le colonel Théoneste Bagosora, (condamné à la prison à vie en 2008 par
le TPIR).
Une fois le soutien de la majorité
des commandants de l’armée obtenu, la campagne de recrutement et de massacres
s’intensifie.
Face à l’absence de réaction
de la part de la communauté internationale et l’impuissance des casques bleus
de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR) sur place,
les massacres se déroulent sans réelle opposition.
Dans les premiers jours
suivant l’attentat, les Tutsi sont systématiquement pourchassés et tués dans leurs
habitations ; aux barrages où les cartes d’identité sont contrôlées, les Tutsi
sont systématiquement exécutés.
Courant juin, le
gouvernement intérimaire est affaibli par les victoires militaires du FPR et la
campagne menée contre les Tutsi perd de son intensité à mesure que s’organise
la fuite des responsables du génocide, notamment vers la France.
Le 4 juillet 1994, le FPR
prend la capitale Kigali et pourchasse les génocidaires et les populations Hutu
qui les suivent dans leur fuite vers l’est du Zaïre (actuelle RDC) non sans la
commission de violations graves des droits humains et du droit international humanitaire
qui font plusieurs milliers de victimes.
Le contrôle total du Rwanda
par le FPR au courant de l’été 1994 met fin au génocide.
Godé
Kalonji
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