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mercredi 2 avril 2014

Création des Chambres spécialisées mixtes et adoption de la loi de mise en œuvre du Statut de la CPI

Près de 146 ONG congolaises et internationales ont fait une déclaration hier mardi 1er Avril 2014 appelant le gouvernement et le parlement congolais à appuyer la création des Chambres spécialisées mixtes et la proposition de loi de mise en œuvre du Statut de la Cour pénale internationale (CPI) au cours de la session parlementaire en cours. Parmi les 146 organisations signataires  de cette déclaration, figurent entre autres, la Fidh, Human Rigths Watch, Coalition pour la Cour Pénale Internationale (CCPI), Open Society Initiative for Southern Africa (OSISA), International Center for Transitional Justice (ICTJ).

Les 146 organisations de la société civile congolaise et organisations internationales de défense des droits humains soussignées saluent les engagements pris récemment par les autorités de la République démocratique du Congo en vue de garantir la justice pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Elles appellent le gouvernement à appuyer l’adoption de l’avant-projet de loi relatif à la création des Chambres spécialisées mixtes et la proposition de loi de mise en œuvre du Statut de la Cour pénale internationale (CPI) au cours de la présente session parlementaire, qui a débuté le 15 mars 2014.

Les cycles répétés de violence et l’impunité qui ont marqué les deux dernières décennies, en particulier dans l’est de la RD Congo, ont provoqué la mort de quelque cinq millions de personnes victimes de la violence, de la faim et de l’absence de soins médicaux. Les forces armées nationales de la RD Congo, du Rwanda et de l’Ouganda, ainsi que de nombreux groupes armés non étatiques, se sont livrés à des massacres, des exécutions sommaires, des viols, des actes de torture, au recrutement forcé d’enfants, au pillage et à l’incendie de maisons.

Bien que quelques progrès aient été accomplis avec la tenue de procès nationaux et internationaux, la grande majorité des auteurs de ces crimes demeurent impunis. Les procès qui ont eu lieu devant les tribunaux militaires congolais se sont heurtés à de multiples défis, notamment sur le plan de la qualité des enquêtes, de la protection des victimes et des témoins, du respect des droits des accusés, et de la possibilité d’engager des poursuites à l’encontre des commandants de haut rang portant la plus lourde responsabilité dans les crimes commis.

La création d’un nouveau mécanisme au sein du système judiciaire congolais chargé spécifiquement de réprimer ces crimes, ainsi que l’adoption de la loi de mise en œuvre du Statut de la CPI dans la législation congolaise, pourraient fortement contribuer à rendre finalement justice aux victimes et à leurs familles, qui se sentent oubliées et abandonnées en dépit d’impensables souffrances. Ces mesures décisives et concrètes visant à lutter contre l’impunité constitueraient également un puissant avertissement à l’adresse des chefs rebelles et des commandants militaires, leur faisant comprendre que les crimes graves ne resteront pas impunis et il est à espérer qu’elles contribueraient ainsi à mettre un terme aux exactions endémiques dont la RD Congo est depuis longtemps le théâtre.

Chambres spécialisées mixtes

En octobre 2013, à l’occasion d’un discours prononcé devant les deux chambres du Parlement, le Président Joseph Kabila a souligné l’importance de la lutte contre l’impunité pour les atrocités commises à l’encontre des civils en RD Congo. À cette fin, il a exprimé son soutien à la création de chambres spécialisées au sein du système judiciaire national. Le cabinet de la Ministre de la Justice et Droits Humains a élaboré un avant-projet de loi, qui est actuellement examiné par le gouvernement.

Les Chambres spécialisées mixtes qui sont proposées ne sont pas un tribunal international. Elles seront plutôt intégrées au sein des cours d’appel dans le système judiciaire civil. Elles ne seront compétentes que pour traiter des affaires relatives aux crimes de guerre, crimes contre l’humanité et actes de génocide et concentreront dès lors leur expertise et leurs ressources sur les enquêtes et les poursuites visant ces crimes très complexes. La présence, au cours des premières années, de personnel international jouissant d’une expérience spécifique dans la répression des crimes internationaux fournira une formation sur le terrain au personnel national et renforcera l’indépendance des chambres, les protégeant de possibles ingérences politiques et militaires.

La mise sur pied de Chambres spécialisées mixtes a été proposée pour la première fois par des organisations de la société civile congolaise du district de l’Ituri, dans le nord-est de la RD Congo, lors d’un audit du système judiciaire congolais organisé par l’Union européenne en 2004. En octobre 2010, le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a publié un rapport circonstancié sur les violations graves du droit international, des droits humains et du droit international humanitaire perpétrées entre 1993 et 2003 en RD Congo (le Rapport Mapping), lequel a repris la recommandation relative à la création de Chambres spécialisées mixtes au sein du système judiciaire national.

Les organisations soussignées considèrent très encourageant l’engagement explicite pris par le Président Kabila et par son gouvernement d’aller enfin de l’avant en ce qui concerne la mise sur pied des chambres. Nous suivrons de près le processus et veillerons à ce que la loi prévoie des Chambres spécialisées mixtes qui seront réellement indépendantes, impartiales et en mesure de tenir des procès équitables et crédibles. Un certain nombre d’éléments s’avèrent particulièrement importants : un degré significatif de mixité dans le personnel (congolais et non-congolais) opérant au sein des chambres ; la compétence des chambres pour connaître des crimes internationaux graves commis en RD Congo par des civils, des membres de groupes armés et du personnel militaire, quelle que soit leur nationalité ; une procédure de désignation du personnel des chambres qui garantit l’indépendance ; ainsi qu’un examen final des décisions par une chambre d’appel spécialisée mixte indépendante.

Loi de mise en œuvre du Statut de la CPI

La proposition de loi de mise en œuvre du Statut de la CPI introduit dans le droit congolais les définitions de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crime de génocide contenues dans le Statut de la CPI, et elle réglemente la coopération entre les autorités congolaises et la cour.

La version actuelle du texte prévoit la peine de mort comme seule peine applicable pour les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Les organisations signataires s’opposent à la peine de mort en toutes circonstances car il s’agit d’une peine fondamentalement inhumaine, cruelle et dégradante.

Contrairement à ce qui est inscrit dans le calendrier des travaux de la session parlementaire ordinaire de mars 2014, la proposition de loi a déjà été adoptée en décembre 2013 par la Commission politique, administrative et juridique de l’Assemblée Nationale (Commission PAJ).  Il s’agit d’un pas important sur la voie de l’adoption finale de la proposition de loi.

Les organisations soussignées appellent le gouvernement congolais à :

·Finaliser et approuver sans délai l’avant-projet de loi relatif à la création de Chambres spécialisées mixtes indépendantes, impartiales et efficaces, et à le transmettre  au Parlement ;

·Organiser des consultations publiques avec la société civile, les parlementaires et les bailleurs de fonds afin d’expliquer l’avant-projet de loi relatif à la création de Chambres Spécialisées Mixtes et son articulation avec d’autres réformes judiciaires, et à examiner les amendements susceptibles d’être proposés lors des consultations ;

·Exprimer publiquement sa volonté de voir adopter et promulguer la loi de mise en œuvre du Statut de la CPI dans les meilleurs délais, conformément aux recommandations des concertations nationales et à l’engagement pris par la Ministre de la Justice et des Droits humains lors de la réunion de haut niveau sur l’État de droit organisée par l’ONU à New York en septembre 2012.

Les organisations soussignées appellent les parlementaires congolais à :

·Veiller à ce que l’examen du projet de loi relatif à la création de Chambres spécialisées mixtes soit inscrit à l’ordre du jour de la présente session parlementaire et à faire la preuve de leur engagement en faveur d’une justice pour les victimes des atrocités perpétrées en RD Congo en adoptant sans délai ledit  projet ;

·Finaliser l’adoption de la proposition de loi de mise en œuvre du Statut de la CPI au cours de la présente session parlementaire.



Kinshasa, le 1 avril 201




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